« Sous d’autres formes nous reviendrons », de Claro : le feuilleton littéraire de Camille Laurens
ALINE BUREAU ENTRE LE BRASIER ET LA TOMBE Les deux choses que j’éprouve aussitôt en commençant Sous d’autres formes nous reviendrons, de Claro, c’est d’une part la nécessité de lire ce texte à voix haute, de le faire résonner et entendre, d’autre part le désir ardent de le citer longuement, encore et encore. Pour m’avoir précédée ici même au feuilleton littéraire du « Monde des livres », l’auteur sera le premier à regretter qu’aucun de ces deux souhaits ne soit réalisable. Je devrai en effet m......
FRANCESCA CAPELLINI LIGNES DE FUITE Il paraîtra peut-être étrange de clore à la fois cette saison et mes trois années de feuilletoniste littéraire par un livre qui ne relève pas de la littérature. La Fabrique de nos servitudes est en effet un essai qu’on pourrait dire politique au meilleur sens du terme. Il est l’œuvre d’un citoyen éclairé soucieux d’analyser la société dans laquelle nous vivons et les dangers mortifères qui nous y menacent, mais aussi de proposer d’autres manières de penser et d’agi... ...
ALINE BUREAU La première fois que j’ai entendu un texte de Penda Diouf, c’était au Festival d’Avignon en 2017, elle faisait une lecture scénique de Pistes, un beau monologue dans lequel son admiration pour l’athlète namibien Frankie Fredericks, vice-champion olympique du 100 mètres et du 200 mètres en 1992 et 1996, lui permettait d’aborder l’histoire de l’oppression à travers une réflexion sur le corps du sportif et celui de l’esclave. Française née en 1981, à Dijon, d’un père sénégalais et d... ...
FRANCESCA CAPELLINI ENTREPRISE DE DÉMOLITION Dès le titre du premier roman de John O’Hara (1905-1970), Rendez-vous à Samarra, publié en 1934, et réédité aujourd’hui dans une traduction révisée, on sait que l’issue en sera tragique. L’auteur met en effet en exergue le célèbre conte oriental selon lequel un homme, à qui la Mort croisée sur un marché de Bagdad avait fait un geste menaçant, s’étant enfui à Samarra pour lui échapper, l’y trouva : ce n’était pas un geste de menace mais de surprise qu... ...
ALINE BUREAU LA VOIX QUI PERSÉVÈRE Lorsque Pierre Seghers, poète, éditeur, créateur de la célèbre collection « Poètes d’aujourd’hui », publie La Résistance et ses poètes, en 1974, il écrit en épigraphe : « Jeunes gens qui me lirez peut-être, pensez-y ! Les bûchers ne sont jamais éteints et le feu, pour vous, peut reprendre… » Alors que les éditions Seghers rééditent les deux volumes de cet ouvrage important, le lecteur ne peut que constater l’affreuse actualité d’un tel présage et la né... ...
FRANCESCA CAPELLINI LE GOÛT DE LA BRIOCHE On entend parfois des éditeurs étrangers donner comme explication à leur refus d’acheter les droits de traduction d’un roman : « C’est trop français », comme si le but, quand on lit un livre étranger, n’était pas de connaître une autre culture, de découvrir une autre approche du monde, comme s’il ne fallait donner à lire au public que des choses qui lui sont déjà familières. « Trop » est ici une forme de censure, un manque flagrant d’ouverture à l’autr... ...
STEFANIA INFANTE UNE JAMAIS DERNIÈRE FOIS Quel que soit le sujet de la poésie, sans doute nous parle-t-elle toujours du temps – du temps qui passe, du temps qu’il fait sur les pommiers comme sur nos vies –, elle est à la fois immanente et métaphysique. Auteur chez Flammarion d’Entre-temps (1997), Echoir (1999), Eté (2005), Eté II (2010), Etc (2016), Et (2020), Bernard Chambaz signe, avec e bientôt muet, la proche fin d’un cycle où, si les titres vont decrescendo, reste ce « divin murmure/ où règne le futu... ...
ALINE BUREAU AUTOPSIE D’UN COUPLE Le 16 juin, ce sera le Bloomsday. Cette fête irlandaise, créée en 1954, a ceci d’exceptionnel qu’elle célèbre un écrivain, James Joyce, en empruntant le nom fictif de Leopold Bloom, l’un des personnages principaux de son chef-d’œuvre, Ulysse (Gallimard, 1929). Ce très long roman se déroule en une seule journée, à Dublin, le 16 juin 1904. L’auteur a confié avoir choisi cette date parce qu’elle correspondait au jour où il avait fait sa déclaration d’amour à Nora... ...
FRANCESCA CAPELLINI LE SENTIMENT DU MONDE On a rarement la chance qu’une anthologie de textes soit composée par leur auteur, ce qui rend Le destin va ramener les étés sombres encore plus précieux. Etel Adnan y a en effet rassemblé une sélection tirée de plusieurs de ses recueils de poésie publiés entre 2008 et 2021, date de sa disparition à l’âge de 96 ans. Egalement peintre et calligraphe, la poète libano-américaine ne séparait pas nettement ces activités de l’écriture, considérant qu’« écrire, c’e... ...
STEFANIA INFANTE RELIQUES SENTIMENTALES Au début, on croit qu’Un amour, roman de l’écrivaine espagnole Sara Mesa, va explorer le thème du retour à la campagne qu’effectuent, ces dernières années, bon nombre de citadins en quête de renaissance champêtre. En effet, Nat, son héroïne trentenaire, a quitté la ville et son emploi de traductrice commerciale pour venir s’installer à La Escapa, un village perdu de la Rioja, au nord de la péninsule, dans une bicoque sans confort et qui prend l’eau, seule avec un ch... ...
ALINE BUREAU C’EST QUOI J’avoue, j’ai pesé Le Kilo. Ce livre posthume de 800 pages, constitué d’inédits du poète Christophe Tarkos, mort en 2004 à l’âge de 41 ans, je l’ai posé sur le plateau de la balance. L’auteur m’en avait pourtant dissuadée : « Il est bien sûr inutile de peser le kilogramme : il pèse un kilogramme. » Mais un peu plus loin, il ajoutait : « Je vais peser K. (C’est une blague que j’aime) » Il est vrai que lui parle non d’un bloc de papier mais du vrai kiloétalon. ... ...